Janus
Dieu des commencements et des transitions
Janus était une divinité majeure de la religion romaine, incarnant l'esprit animiste des portes (januae), des passages et des arcades (jani). Il symbolisait le mouvement, la transition et le passage d'un état à un autre, que ce soit du passé vers l'avenir, de l'obscurité à la lumière, ou de la guerre à la paix. Son rôle s'étendait bien au-delà des seuils matériels : il était le gardien des commencements et des fins, veillant à ce que chaque passage soit effectué sous des auspices favorables. Sa puissance ne se limitait pas aux domaines terrestres ; il était aussi le maître des passages temporels, présidant aux cycles du jour et de la nuit, des saisons et du temps lui-même.
Selon la mythologie, Janus et la nymphe Camasène étaient les parents de Tiberinus, un roi légendaire dont la mort dans les eaux de la rivière Albula entraîna son renommage en Tibre, le fleuve sacré de Rome. Ce lien avec le Tibre renforça l'importance de Janus dans la tradition romaine, car il était perçu comme un dieu aux multiples facettes, influençant aussi bien les éléments naturels que les structures humaines.
Origine et culte
Le culte de Janus est considéré comme l'un des plus anciens de Rome, remontant selon la tradition à Romulus, le fondateur légendaire de la ville, et même à des époques antérieures. Son adoration était intimement liée à la fondation de Rome et à son développement, car la ville elle-même était traversée de nombreux jani, des portes sacrées utilisées pour des rituels et des cérémonies symbolisant des passages initiatiques ou politiques. Ces structures indépendantes marquaient des points de transition essentiels, et leur franchissement était souvent accompagné de rites précis pour assurer la protection divine.
Une superstition particulière entourait le départ des armées romaines. Traverser un janus de la mauvaise manière pouvait être considéré comme un mauvais présage, influençant ainsi le moral des soldats et la perception de la guerre à venir. Rome comptait plusieurs jani, mais le plus célèbre était sans doute le Janus Geminus, situé au nord du Forum romain. Contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, il ne s'agissait pas d'une simple porte, mais bien d'un sanctuaire dédié à Janus. Cette structure rectangulaire en bronze comportait des portes doubles à chaque extrémité, et leur ouverture ou fermeture revêtait une signification cruciale.
Janus et la guerre
Selon la tradition, les portes du sanctuaire de Janus Geminus étaient maintenues ouvertes en temps de guerre et soigneusement fermées en période de paix. Ce rituel servait à manifester l'état du monde romain : des portes ouvertes signifiaient que Rome était en campagne militaire, tandis que des portes closes représentaient un état de tranquillité absolue. Toutefois, les périodes de paix véritablement durable étaient rares dans l'histoire romaine. Tite-Live, l'un des plus grands historiens de Rome, rapporte que, sur plusieurs siècles, les portes ne furent fermées que deux fois, entre le règne du roi légendaire Numa Pompilius (VIIe siècle av. J.-C.) et celui de l'empereur Auguste (Ier siècle av. J.-C.). Cette rareté soulignait à quel point Rome était presque constamment engagée dans des conflits, cherchant à étendre son territoire et à défendre ses intérêts.
Janus, dieu des commencements et du temps
Bien que son association avec les portes et passages physiques soit évidente, certains érudits voient en Janus une divinité aux attributions bien plus larges. Il était le dieu des commencements, régissant les transitions et marquant l'ouverture de nouveaux cycles. Son influence s'étendait à plusieurs domaines, notamment au calendrier, où il était invoqué pour assurer un passage harmonieux entre les périodes.
Dans les liturgies religieuses, Janus occupait toujours la première place parmi les dieux, étant celui qui ouvrait le chemin aux autres divinités. Il était honoré lors de chaque nouvelle entreprise, que ce soit le début d'un jour, d'un mois ou d'une année. Son lien avec le temps est particulièrement évident dans le nom même du mois de janvier, qui dérive de Janus et marque le début d'un nouveau cycle annuel. Sa fête principale, appelée Agonium, était célébrée le 9 janvier et comprenait des rituels visant à obtenir sa bénédiction pour l'année à venir.
En plus des nombreux temples érigés en son honneur à Rome, une tradition rapporte qu'un ancien culte de Janus existait également sur le Janicule, une colline de Rome dont le nom pourrait signifier « la ville de Janus ».
Iconographie et représentations
L'image de Janus était l'une des plus reconnaissables de la religion romaine. Il était généralement représenté avec deux visages, tournés en opposées directions, symbolisant sa double vision du passé et de l'avenir, de l'intérieur et de l'extérieur, du début et de la fin. Dans certaines représentations, il était doté d'une barbe sur l'un des visages et rasé sur l'autre, illustrant la transition entre deux états.
Parfois, Janus apparaissait avec quatre visages, une iconographie liée aux arcs à quatre voies, où il surveillait chaque direction à la fois, réaffirmant ainsi son rôle de gardien des croisements. Il tenait souvent des clés dans ses mains, représentant son pouvoir d'ouvrir et de fermer les portes du destin, un attribut qui renforçait son statut de dieu du passage et du contrôle des transitions.
Héritage et influence
L'influence de Janus s'étend bien au-delà de la religion romaine antique. Son concept de double regard, surveillant à la fois le passé et l'avenir, a inspiré de nombreuses interprétations philosophiques et culturelles. Son rôle de gardien du temps et des commencements reste symboliquement puissant, notamment dans la représentation moderne du mois de janvier, qui marque chaque année un renouveau.
Aujourd'hui encore, Janus est parfois évoqué comme un symbole du changement, et son image continue de fasciner, incarnant l'idée que toute transition, toute ouverture vers l'inconnu, est une porte à franchir avec sagesse et prudence.