Teutatès (Toutatis)
Dieu gaulois
Dieu protecteur de la tribu, Teutatès, ou Toutatis, occupe une place centrale dans la spiritualité celtique. Son nom signifie «peuple», «tribu» ou «nation», indiquant son rôle primordial dans la cohésion et la protection du groupe. Il est souvent décrit comme un dieu redoutable et exigeant, prêt à infliger de lourds sacrifices en échange de sa bienveillance.
Teutatès est un dieu à la fois guerrier et stratège, invoqué par les chefs de guerre avant de partir au combat. Parfois associé à Mars, dieu romain de la guerre, il est aussi rapproché de Mercure, en raison de son influence sur la parole et la persuasion. Dans la pensée celtique, un chef de guerre ne se limite pas à manier les armes : il doit aussi posséder le don de convaincre et de rallier les siens par un discours enflammé.
Certains historiens estiment que c'est lui qui figure sur un bas-relief du pilier de Mavilly (Côte-d'Or), représenté en tenue de guerrier romain. Un serpent à tête de bélier se tient à ses côtés, peut-être en tant que gardien ou animal totémique. Une déesse guerrière, au sein gauche dénudé, l'accompagne, symbole de la puissance féminine dans la mythologie celtique.
Le culte de Teutatès est attesté par de nombreuses inscriptions latines, notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et à Rome. Il est parfois assimilé à Ogmios, le dieu de l'éloquence et de la persuasion, qui, tout comme lui, porte une massue, un arc et un carquois. Cette association repose sur l'idée que l'autorégulation des guerriers passe par la parole et l'art oratoire, autant que par la force brute.
En tant que divinité tribale, il veille à la sanctité des serments. Prêter serment en invoquant son nom était une pratique courante chez les Celtes. «Au dieu auquel jure ma tribu», disaient-ils, liant ainsi leur destin à celui de leur divinité tutélaire.
Bain de mort ou d'immortalité
Teutatès est un dieu exigeant, et son culte implique des sacrifices humains, mentionnés notamment dans les Scholies bernoises de Lucain. Les victimes étaient plongées dans une cuve d'eau jusqu'à ce qu'elles se noient, un rite sanglant mais symbolique, visant peut-être à purifier les esprits avant leur passage dans l'au-delà.
Cette scène trouve un écho sur le fameux bassin de Gundestrup (Danemark), où un personnage divin plonge des guerriers dans une cuve, peut-être pour leur accorder une sorte d'immortalité. Certains chercheurs y voient un rituel de renaissance, comparable aux mythes de bain curatif que l'on retrouve dans plusieurs traditions celtiques. Le héros guerrier, trop marqué par la fureur du combat, était parfois plongé dans trois cuves d'eau froide afin de le guérir de sa frénésie meurtrière.
Mais était-ce une purification ou une offrande aux dieux sanguinaires ? Cette dualité entre la vie et la mort reste une constante dans la mythologie celtique.
Les dieux sanglants
Lucain, dans La Pharsale, évoque la férocité des divinités gauloises :
«Et parmi ces divinités cruelles, Teutatès est apaisé par le sang funeste, le hideux Esus l'est par des autels sauvages, et Taranis n'est pas plus doux que la Diane des Scythes.»
Ces lignes mettent en lumière l'aspect redoutable du panthéon celtique, dominé par des dieux avides de sang et de sacrifices.
Esus
Esus, dieu aux allures de bûcheron, est représenté sur un bas-relief du pilier des bateliers de Lutèce (musée de Cluny). Il est figuré en train d'ébrancher un arbre où se cache le taureau aux trois grues, un symbole possiblement associé au monde des esprits ou à la fertilité. Une autre stèle, retrouvée à Trèves, le montre en train d'abattre un grand arbre à coups de cognée.
Mais ce qui distingue Esus, c'est son culte sanglant. Les victimes lui étaient offertes en étant suspendues à un arbre jusqu'à ce que leur sang se vide complètement. Un rituel macabre soulignant le lien profond entre cet arbre sacré et le cycle de la vie et de la mort.
Les dieux gaulois
Teutatès, Taranis et Esus forment une trinité de dieux redoutables, dont les rituels sanguinaires ont marqué l'histoire et la culture celtiques. Mais d'autres divinités se montrent bien plus bienveillantes :
- Smertrios, dieu dispensateur de richesses, protecteur contre les ennemis, parfois assimilé à Hercule pour sa force et sa résolution.
- Cernunnos, le dieu âgé de l'Abondance, souvent représenté avec des bois de cerf.
- Bélénus, « le Brillant », dieu de la Médecine et de la Guérison.
- Ogmios, divinité de l'éloquence et du savoir, souvent associé à Hercule pour son charisme et sa force persuasive.
Ainsi, le panthéon gaulois oscille entre l'ombre et la lumière, entre la guerre et la sagesse, entre la destruction et la régénération. Teutatès, au carrefour de ces forces, demeure l'une des figures les plus fascinantes de cette mythologie oubliée.